samedi 8 juin 2024

JEU de TIR "BAMBO" Nègre tirant à l'arc

Catalogue Magasins du Louvre Noël 1922 - Etrennes 1923  

   Apparu pour la première fois dans les catalogues des Grands magasins parisiens pour les fêtes de Noël 1922, le Nouveau Tir à l'arc Bambo y est qualifié de "jeu d'adresse très captivant". Le tandem Hellé-Carlègle signe ici une vision exotique de l'indigène athlétique en pagne blanc, bandant son arc pour dégommer des perroquets et des ouistitis, perchés dans un arbre stylisé.

   L'époque est encore au "colonialisme triomphant" et cette vision d'opérette n'évite ni les préjugés, ni les stéréotypes ambiants, mais les deux artistes ( du jouet et de l'image ) réussissent à magnifier la silhouette de l'archer "aux yeux riboulant", dans un style art-déco impeccable et désamorce par la-même le piège du dénigrement ethnique. 

Rare boîte de jeu Hellé-Carlègle, marque déposée 1922


Nous ne connaissons aucune autre boîte de jouet - siglée du logo Hellé-Carlègle - et apprenons ici que le Tir Bambo a fait l'objet d'un dépôt de modèle. Rappelons brièvement à cet effet, qu'après avoir exclusivement commercé avec les Gds Magasins du Printemps (de 1913 à 1922), les deux créateurs décidèrent de diffuser leurs créations en direct et s'adressèrent à M. Jacques Bourgeat pour administrer leur société. La lettre incluse ci-dessous atteste des prémices de la fabrication du jouet en question et souligne la reconnaissance d'André Hellé envers son représentant légal, officialisé dès 1923. 
 
Lettre d'André Hellé à Jacques Bourgeat, Paris 1922   
 
 Ce jouet rarissime sera exposé au Salon international du livre rare, qui se tiendra au Carreau du Temple à Paris du 14 au 16 juin prochain, sur le stand des Libraires associés.
Qu'on se le dise ! 
BM

 

 





mercredi 8 mai 2024

LES SALTIMBANQUES, composition de bois par Carlègle et André Hellé.

Ensemble de jouets découpés et décorés, dessinés pour LE PRINTEMPS, Paris 1920-21 

  C'est dans le catalogue de Noël 1920 - Etrennes 1921, qu'apparaît pour la première fois cet ensemble de 14 pièces, inspirées par la tradition populaire du Cirque ambulant. S'y mêlent pêle-mêle: la danseuse de corde et le joueur d'orgue de barbarie, le dompteur et son ours, un ouistiti et un chien, des enfants et la diseuse de bonne-aventure, la roulotte (à usage d'habitation autant que de loge pour les artiste) ainsi que le cheval chargé de la tracter de village en village ... la troupe semble profiter d'une halte temporaire pour répéter à ciel ouvert, pendant que leur linge sèche au vent à l'arrière-plan, preuve d'une récente lessive !

 

CPA 1921-22 Exposition ameublement et hygiène de l'enfance aux Magasins du Printemps. Zoom sur "Les saltimbanques".

  A la faveur d'une carte postale ancienne éditée par Le Printemps à la même époque, nous découvrons la même scène, dessinée au trait de manière savamment descriptive. L'image agrandie permettrait presque de reproduire certaines des figurines, tant le volume et la superposition des plans de bois, sont efficacement suggérés. A n'en pas douter, c'est maître Carlègle qui tient le crayon, lui dont l'oeil fut affûté par l'Ecole des Arts industriels de Genève.
 

Photo R-P Ribière © Musée du jouet de Poissy

  Cet ensemble de jouets miniatures reste fort rare, du fait de sa taille (3 à 4 cm de hauteur pour les personnages) et de la multiplicité des pièces concernées (14 au total). Le thème des saltimbanques, traité ici sans leur candeur habituelle par le tandem Hellé-Carlègle, disparaît logiquement des catalogues dès 1923. 
  Aucun exemplaire connu dans les musées spécialisés, jusqu'à la préparation d'une exposition panoramique sur l'oeuvre d'André Hellé au Musée du Jouet de Poissy en 2010. Les réserves du musée révélèrent des surprises inattendues et permirent d'identifier les quatre protagonistes photographiés ultérieurement dans le catalogue y afférent: Drôles de Jouets (Ed Mare & Martin, Poissy 2012)
 
Photo R-P Ribière © Musée du jouet de Poissy    

 PS/ Merci à Marianne C. d'avoir su dénicher cette carte postale rarissime, qui donnera lieu à un prochain billet sur le thème du Marché arabe, puisqu'il y est représenté en partie supérieure de l'image. A suivre ... B.M

 
 

vendredi 3 mai 2024

PARIS-SOIR du 5 décembre 1925

 Un article de Renée David, sur les " JOUETS D'HIER ET DE DEMAIN"




lundi 18 septembre 2023

MAGAZINE RUSSE POUR ENFANTS

  ДОБРОЕ УТРО (à prononcer Dobrié utra), soit Bonjour en langue russe, est l'un des premiers magazines russes pour la jeunesse, publié à Moscou de 1909 à 1918 dans l'ancienne orthographe prérévolutionnaire. Le spectaculaire titre animalier (peu lisible par le public visé) et les couvertures caricaturales des premiers numéros, entendaient promouvoir un magazine "littéraire et artistique, humoristique et sportif, à destination des petits et des enfants d'âge moyen". Ouvrons quelques exemplaires, récemment numérisés par la Bibliothèque d’État russe pour enfants (НЭДБ), afin d'en juger.

BONJOUR, N°2, édition du 15.01.1909      

 Le résultat est loin de correspondre au lancement publicitaire, si l'on en juge par l'incohérence du contenu et de la mise en page, qui empilent les rubriques fourre-tout et les illustrations disparates, souvent empruntées (et sans accréditation) à d'autres magazines artistiques pour enfants, d'origine anglaise, allemande et française.

Après avoir reconnu, ça et là, la patte graphique de quelques illustrateurs célèbres (fin XIXe - dbt XXe): John Drawer, Adolf Oberlander ou Wilhelm Busch, nous relevons du côté français diverses planches de Caran d'Ache, Benjamin Rabier ou André Hellé, le plus souvent signées d'un patronyme russe... comme dans cette histoire en deux images - L'éléphanteau rusé et le gamin malin - où l'on reconnaît d'emblée le trait jovial de Rabier.

 Bonjour N°23, dec 1909 par Benjamin Rabier (signature falsifiée)
 



Bonjour N°8, avril 1909, cul de lampe par A. Hellé (non attribué)

Nous n'avons pas réussi à identifier le périodique français d'où est issue la bande dessinée de l'humoriste Hellé (présentée ci-dessous en quatre épisodes) et dépendons des amateurs de presse satirique du début du XXe siècle pour nous aider à en retrouver la trace. Nous souhaitons surtout pouvoir comparer les textes d'accompagnement. 

le Rire, le Bon vivant, la Petite caricature, le Polichinelle, le Sourire, le Pêle-mêle, la Baïonnette, l'Indiscret, l'Assiette au beurre, le Journal, le Gil blas, le Cri de Paris, le Journal amusant etc. Maître Hellé contribua à tous ces supports de presse... plus d'une centaine à partir de 1898. Lequel est le bon ? Les paris sont ouverts !

BM.


Bonjour N°7,  Comment les animaux passèrent le Ier jour des fêtes, A. Hellé 1909

 


samedi 10 juin 2023

DANS LE GOUT HOLLANDAIS ...

De la fin du XIXe jusqu'au milieu du XXe siècle, l'engouement pour les sujets hollandais en costume traditionnel, envahit le monde de l'enfance et l'équipement de la maison: livres illustrés, cartes postales, bibelots de faïence et carreaux de Delft agrémentent durablement l'univers familier des Français. Une "Hollande d'opérette" se met ainsi en place et démocratise les récits littéraires des auteurs-voyageurs.


L'illustrateur-humoriste André Hellé cède volontiers à la mode du "goût hollandais" et s'amuse à représenter des demoiselles en tablier rayé et coiffe de dentelle, aux côtés de garçons en pantalons bouffants et sabots de bois. Pour mieux éveiller l'imaginaire touristique, il est de bon ton d'ajouter un champ de tulipes ou un moulin à vent posé sur l'horizon ... qu'à cela ne tienne, Hellé se pliera aux deux scénographies !
 

Le meilleur exemple de cette "Hollandomania" se trouve dans L'île aux jouets, une nouvelle de C. Mauclair, abondamment illustrée par l'artiste et publiée dans le numéro de Noël du Monde illustré en 1910.

Tous les clichés répondent à l'appel - vache laitière, barrière de sapin verni, coiffe empesée, village miniature, barge sur les canaux etc - mais Hellé les dépeint avec tant de candeur et de modestie graphique, qu'il nous séduit et nous emporte, selon son habitude, dans sa "boîte à joujoux" personnelle.

                         


Une récente vente aux enchères à Paris (hôtel Drouot) montre que l'artiste suscita des vocations parmi ses lecteurs... A vous de trouver la version originale ?

 
  
Sur le même thème, évoquons également pour conclure cet étonnant et précieux livre en tissu cranté, commercialisé uniquement en Grande Bretagne (à partir de 1916) par Dean and Son, le spécialiste du livre indéchirable. 


 
Dutchie dolls' doings nous offre ainsi le tableau idéal pour finaliser ce billet au goût hollandais ... avec le fameux champ de tulipes (frénésie connue à l'époque sous le nom de "tulipomania"), réclamé par les amateurs de pittoresque ! 
                                                BM.




dimanche 12 février 2023

ANDRE HELLE AU POINT DE CROIX

 

Drôles de bêtes, André Hellé, Edition Tolmer Paris 1911






  


Quand André Hellé publie Drôles de bêtes en 1911 chez le maître-imprimeur Tolmer, il choisit d'ornementer chaque tête de chapitre d'un portrait animalier humoristique, dans une vision proche de la sensibilité enfantine. Jugez du TIGRE !

 

Utilisant la couleur de fond (ici un orange profond) comme une ressource à part entière, l'artiste se contente de préciser les signes essentiels de l'espèce et ne trace que les larges rayures noires de l'animal, en s'appuyant astucieusement sur quelques aplats de couleur blanche. Le tour est joué...c'est votre oeil qui re-compose la silhouette de l'animal ! 

Les coloris intenses, appliqués (un à un) au pochoir par les ouvrières de l'atelier Tolmer, nous envoûtent par leur précision de calage et leur luminosité... Est-ce par admiration que le tigre ne cesse de ciller de ses yeux vert-émeraude ?

 

Professeure de dessin par nécessité, mais surtout brodeuse par passion, Mme Angèle Hellé sut accompagner les créations de son mari en les interprétant au fil de soie sur des coussins, voiles de lit d'enfant, portières et tapis de nursery.



Angèle aurait probablement aimé cette transcription du tigre au point compté. Il aura fallu 29.900 points de croix pour suivre la grille géante, composée au plus près du portrait initial. Aux deux artistes obstinés, Sylvie et Philippe Marie, nous adressons nos compliments les plus vifs
BM




 



 


 

 

dimanche 8 janvier 2023

GOD SAVE THE KING


Nous connaissions de longue date l’anglomanie galopante d’André Hellé, via ses multiples représentations des Gardes de la Maison royale coiffés de leur haut bonnet en poil d’ours brun1. Depuis ses débuts d’illustrateur de presse, Hellé imprima sa fascination pour les uniformes britanniques sur tous les supports artistiques dont il put disposer.

 

Prétexte à dessins humoristiques, satires politiques, albums et jouets pour enfant, nous découvrons à présent, ces mêmes tuniques rouges (avec ou sans bonnet à poil) sur des aquarelles originales, probablement croquées à Londres, lors d' équipées touristiques outre Manche. 

 

 Dès 1909 et alors qu’il entame une carrière d’ensemblier de la chambre d’enfant, Hellé s’amuse à compacter une rangée de Coldstream guards sur une frise de papier peint pour la célèbre firme Tekko et Salubra2

 

L’année suivante, des quilles d’appartement dites Grenadier guards (hauteur 29 cm) font une première apparition dans le catalogue de Noël des Magasins du Printemps.

Leur corps en cartonnage et leur large bonnet de feutre (Ht : 29cm), spécifiquement destinés à amortir toute nuisance sonore, leur assurent un prompt succès auprès de la clientèle parentale. L’engouement pour ces quilles aux bonnets surdimensionnés est tel, qu’elles reviendront orner bien d’autres catalogues d’étrennes et annonces publicitaires, sous le crayon de nouveaux graphistes.

 

Dans la même veine, Hellé sera commandité en 1915 par la société Dean and Son3 pour illustrer un jeu de quilles militaires en tissu bourré. Baptisées Tommy Fuzbuz4 en référence à leur bonnet à poil, ces quilles patriotiques furent exclusivement commercialisées en Grande Bretagne, assorties de deux balles en laine feutrée et d’un livret d’accompagnement dessiné par une certaine Gladys Hall - à la solde de l’éditeur. Hellé eut-il connaissance de cette interprétation douceâtre ?



  Engagé volontaire dans les services de camouflage lors de la première guerre mondiale, l’artiste n’en produisit pas moins de nombreux dessins politiques, jouets militaires et albums pour enfants dans le cadre de l’effort de guerre, dont une série de 6 cartes postales glorifiant les Chants nationaux des Alliés5.
 

 

Sur la carte dévolue à l’hymne national du Royaume Uni, l’illustrateur ne pouvait que convoquer le sempiternel « bonnet à poi l» et le non moins célèbre « fantassin Tommy4 » pour encadrer les premières notes du God save the King.
 
 

Comment conclure ce billet sans explorer la Boîte à joujoux personnelle d’André Hellé - source vive de sa créativité ? Parmi les nombreux modèles de soldats de bois disponibles dans les bazars et bimbeloteries de l'époque, on pouvait couramment trouver des soldats prussiens en casque à pointe, au même titre que des gardes anglais en bonnet à poil ou des soldats français en shako à pompon ! 

 

Nous savons, par ses écrits autobiographiques, combien l’auteur resta attaché à ces « joujoux d’un sou » de fabrication allemande6, qu’il conserva parfois depuis l’enfance et qui se succédèrent à rythme soutenu (et parfois lassant) dans ses multiples activités artistiques. Leur esthétique tendre et naïve finit par devenir sa marque de fabrique et continue de nos jours, à lui tenir lieu de signature.

BM.

 

NOTES


1) Haut bonnet à poil, emprunté à l’origine aux Grenadiers à pied de la Garde impériale de   

Napoléon 1er. 


2) Tekko et Salubra : célèbre manufacture suisse de papiers peints, frises et toiles de tenture lavable, qui éditera bien d’autres dessins pour enfants d'André Hellé. 

 

 3) Dean’s Rag Book Co: inventeur du livre « indéchirable » en tissu lithographié à la fin du XIXe siècle. La société Dean produisit également des jouets et des poupées en tissu bourré. 


4) Tommy (Atkins) est le surnom générique du  fantassin britannique pendant la première (et la seconde) guerre mondiale. Fuzbuz fait ici référence au bonnet à poil (Fuzz : duvet).

 

5) Série de 6 cartes postales, éditée chez Longuet et présentée dans l’exposition - Limage de guerre populaire - au Musée des Arts Décoratifs à Paris, de novembre 1916 à janvier 1917.

 

6) La région forestière de l’Erzgebirge en Allemagne, se spécialisa dans la fabrication de jouets en bois tourné à partir du 18e siècle et domina le marché mondial jusqu’à la première guerre mondiale.